Traité de la Constitution Européenne (TCE)
La petite histoire
Comprendre simplement
Premier principe
Deuxième principe
Troisième principe
Quatrième principe
Cinquième principe
Les références
Mais encore …
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© Etienne Chouard

La petite histoire  Up Page
Origine, raisons, hasard
Il y a six mois, en septembre 2004, j’étais, comme tout le monde, favorable à ce texte sans l’avoir lu, par principe, "pour avancer", même si je savais bien que les institutions étaient très imparfaites. Je ne voulais pas être de ceux qui freinent l’Europe. Je crois vraiment que l’immense majorité des Européens, au-delà des clivages gauche/droite, aiment cette belle idée d’une Europe unie, plus fraternelle, plus forte. C’est un rêve de paix, consensuel, très majoritaire.
Déjà des appels s’élevaient contre le traité, mais ils venaient des extrêmes de l’échiquier politique et pour cette simple raison, je ne commençais même pas à lire leurs arguments, restant en confiance dans le flot de l’avis du plus grand nombre sans vérifier par moi-même la force des idées en présence.
Et puis soudain, des appels sont venus de personnes non suspectes d’être antieuropéennes. J’ai alors lu leurs appels, sans souci des étiquettes, et j’ai trouvé les arguments très forts. Je me suis mis à lire, beaucoup, des livres entiers, de tous bords, Fabius, Strauss-Kahn, Giscard, Jennar, Fitoussi, Généreux, etc. et beaucoup plus d’articles des partisans du traité parce que je voulais être sûr de ne pas me tromper. Et plus je lis, plus je suis inquiet. Finalement, aujourd’hui, je ne pense plus qu’à ça, je ne dors presque plus, j’ai peur, simplement, de perdre l’essentiel : la protection contre l’arbitraire.

Professeur d’Éco-Gestion au lycée Marcel Pagnol à Marseille, en BTS.

Comprendre simplement  Up Page
Dangerosité du traité
Les fondements du droit constitutionnel sont malmenés, ce qui rappelle au premier plan cinq principes traditionnels conçus pour protéger les citoyens:
1. Une Constitution doit être lisible pour permettre un vote populaire : ce texte-là est illisible.
2. Une Constitution n’impose pas une politique ou une autre: ce texte-là est partisan.
3. Une Constitution est révisable: ce texte-là est verrouillé par une exigence de double unanimité.
4. Une Constitution protège de la tyrannie par la séparation des pouvoirs et par le contrôle des pouvoirs : ce texte-là n’organise pas un vrai contrôle des pouvoirs ni une réelle séparation des pouvoirs.
5. Une Constitution n’est pas octroyée par les puissants, elle est établie par le peuple lui-même, précisément pour se protéger de l’arbitraire des puissants, à travers une assemblée constituante, indépendante, élue pour ça et révoquée après: ce texte-là entérine des institutions européennes qui ont été écrites depuis cinquante ans par les hommes au pouvoir, à la fois juges et parties.
 
Constitution ou traité ?
Quelle est la juste qualification de ce projet ?
Il faut rappeler ce qu’est une Constitution et pourquoi on entoure son élaboration de précautions particulières.
Une Constitution est un pacte passé entre les hommes et leurs gouvernants. C’est parce qu’ils ont signé ce pacte que les hommes acceptent d’obéir aux lois. C’est par ce pacte que l’autorité trouve sa légitimité. Ce pacte doit protéger les hommes contre l’injustice et l’arbitraire. Les principes dont on va parler servent à garantir que le pacte joue son rôle protecteur et que les hommes pourront le contrôler.
Le projet de Traité établissant une Constitution pour l’Europe (TCE) est exécutoire sans limitation de durée [Art. IV-446], il s’impose sur presque tous les sujets essentiels à la vie des gens [Art. I-13 & Art. I-14], sa force juridique est supérieure à toutes nos normes nationales (règlements, lois, Constitution), il met en place les grands pouvoirs (exécutif, législatif, judiciaire) et il en règle les équilibres.
Les parlements nationaux sont ainsi totalement dépouillés, par exemple, de la moindre capacité d’influencer les accords commerciaux internationaux (AGCS, ADPIC et autres avatars de l’OMC), alors que la vie des citoyens est promise à des bouleversements majeurs à l’occa­sion de ces accords qui se préparent dans la plus grande discrétion.
 
Le projet de Traité de Constitution Européenne (TCE) est donc, par nature, une Constitution, il fixe "le droit du droit".
"Le nouveau Traité est une véritable Constitution dès lors qu’elle correspond à la définition matérielle de toute constitution: organisation des pouvoirs publics et garantie des libertés fondamentales, avec identification d’un pouvoir constituant (…) la nouvelle Union européenne réunit, dès à présent, les éléments nécessaires de la définition de l’État".
Olivier Gohin, professeur à l’Université de Paris II (auteur de l'ouvrage "La nouvelle Union européenne. Approches critiques de la Constitution européenne", éd. XF de Guibert).
Certains professeurs vont plus loin: "la personnalité juridique de l’Union, instituée par l’art. I-7", selon François-Guilhem Bertrand, professeur émérite à l’Université de Paris XI, "doit se lire avec l’arrêt du 31 mars 1971 de la Cour de Justice AETR qui décide que la personnalité donnée à l’Europe efface celle des États membres et leur interdit de se manifester lorsque l’Europe s’exprime" (même ouvrage).

Premier principe de droit constitutionnel:
une Constitution est un texte lisible
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Une constitution doit être acceptée, directement, par le peuple qui s’y soumet.
Pour que cette acceptation ait un sens, il faut que le texte soit lisible par le peuple, celui qui va signer (et pas seulement par des experts).
Le traité établissant une Constitution pour l’Europe (349 pages). Les protocoles et annexes I et II (+ 382 pages). Les déclarations à annexer à l’acte final de la CIG et l’acte final (+ 121 pages). Soit un total fin 2004 de 852 pages. A titre de comparaison, les Constitutions françaises et américaines font chacune environ 20 pages.
 
Des oublis
Malgré sa longueur, tout n’y figure pas: une information aussi essentielle que la définition des SIEG, services d’intérêt économique général, (cités aux art. II-96, III-122, III-166), à ne pas confondre avec les services publics, ne figurent pas dans les 485 pages: il faut, dans cet exemple, consulter le "livre blanc" de la Commission pour apprendre que les SIG et SIEG ne sont pas synonymes de "services publics".
 
Des contradictions
Il faut lire toutes les pages jusqu’au bout: l’interprétation de la Charte des droits fondamentaux est décrite en dehors de la Constitution elle-même, dans un texte qui s’appelle Déclaration 12: le préambule de la Charte prévoit que "Dans ce contexte, la Charte sera interprétée par les juridictions de l'Union et des États membres en prenant dûment en considération les explications établies sous l'autorité du praesidium de la Convention qui a élaboré la Charte."
Dans cette déclaration n°12, on trouve parfois le contraire de ce que la Charte affirme haut et fort.
Ainsi, après qu’ait été affirmé le droit à la vie et l’interdiction de la peine de mort dans l’article II-62 de la Charte, l’article 2 de la déclaration n°12, page 435 (qui parle de texte lisible ?) précise: "La mort n'est pas considérée comme infligée en violation de cet article dans les cas où elle résulterait d'un recours à la force rendu absolument nécessaire:
a) pour assurer la défense de toute personne contre la violence illégale;
b) pour effectuer une arrestation régulière ou pour empêcher l'évasion d'une personne régulièrement détenue;
c) pour réprimer, conformément à la loi, une émeute ou une insurrection."
Le même article précise aussi: "Un État peut prévoir dans sa législation la peine de mort pour des actes commis en temps de guerre ou de danger imminent de guerre; une telle peine ne sera appliquée que dans les cas prévus par cette législation et conformément à ses dispositions...". On constate donc que tout n’est pas dit dans la Charte elle-même et qu’il faut bien lire toutes les pages.
 
Absence de la liste des domaines hors traité
Pour illustrer encore la difficulté de lecture de ce texte, on doit relever également, et c’est grave, l’absence de liste des domaines dans lesquels chaque institution peut créer le droit. Ainsi, on ne trouve nulle part (et on peut donc parfaitement ignorer qu’existe) la liste des domaines où le Parlement européen est complètement tenu à l’écart du droit de légiférer (ce n’est pourtant ni banal, ni anodin). Pour connaître cette répartition, il faut scruter les centaines d’articles un à un, en espérant de ne pas en avoir oublié (voir plus loin). Est-ce qu’on peut parler de lisibilité ?
 
Des actes non législatifs
D’autres articles importants, comme l’article I-33 qui institue les "actes non législatifs" (règlements et décisions) qui permettent à une Commission (non élue) de créer sans contrôle parlementaire des normes aussi contraignantes que des lois, ne sont pas suivis d’une liste contrôlable.
 
Les moutons de Panurge
Cette longueur et cette complexité interdisent la critique pour le commun des mortels.
Extrait du cours de droit administratif de J. Morand-Deviller (éd. Montchrestien), page 256:
"C'est un problème préoccupant que l'inflation des textes, de plus en plus bavards et confus. Cette inclination, si préjudiciable à la sécurité juridique et contraire à la belle rigueur du droit français, a été dénoncée en des termes énergiques dans le rapport public du Conseil d'État pour 1991: "surproduction normative… logorrhée législative et réglementaire… Qui dit inflation dit dévalorisation : quand le droit bavarde, le citoyen ne lui prête plus qu'une oreille distraite… Si l'on n'y prend garde, il y aura demain deux catégories de citoyens : ceux qui auront les moyens de s'offrir les services d'un expert pour détourner ces subtilités à leur profit, et les autres, éternels égarés du labyrinthe juridique, laissés-pour-compte de l'État de droit." Le Conseil Constitutionnel a fait du principe de "l'accessibilité" et de 'l'intelligibilité de la loi" un objectif à valeur constitutionnelle (décision du 16 décembre 1999)."
 
Il faut évidemment lire et comprendre ce que l'on signe. Ou bien, on refuse de signer.
Même s'il était simple (et il ne l'est pas), un texte aussi long ne permet pas de le juger avec discernement.
Et pourtant, il faut bien avoir un avis. Comment faire pour avoir un avis sur un texte qu'on ne peut pas lire ? En s’alignant sur "les autres", on se rassure, comme les moutons de Panurge.
Cette longueur est, par elle-même, non démocratique : le débat est réservé aux experts.
Une Constitution est la loi fondamentale, elle est "le droit du droit", elle doit pouvoir être lue par tous, pour être approuvée ou rejetée en connaissance de cause
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Deuxième principe de droit constitutionnel:
une Constitution est apolitique
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Une Constitution démocratique n'est pas de droite ou de gauche, elle n'est pas socialiste ou libérale, une Constitution n'est pas partisane : elle rend possible le débat politique, elle est au-dessus du débat politique.
À l’inverse, le TCE (Traité de la Constitution Eurpopéenne), en plus de fixer la règle du jeu politique, voudrait fixer le jeu lui-même !
 
En imposant dans toutes ses parties[12] (I, II et surtout III) des contraintes et références libérales, ce texte n'est pas neutre politiquement : il impose pour longtemps des choix de politique économique qui devraient évidemment dépendre du débat politique quotidien, variable selon la conjoncture. C’est une sorte de hold-up sur l’alternance des politiques économiques.
Notamment, ce texte confirme pour longtemps que l’Europe se prive elle-même des trois principaux leviers économiques qui permettent à tous les États du monde de gouverner:
 
Pas de politique monétaire
Nous sommes les seuls au monde à avoir rendu notre banque centrale totalement indépendante, avec en plus, comme mission principale, constitutionnelle, intangible, la lutte contre l’inflation et pas l’emploi ou la croissance [art. I-30 & art. III-188]. Aucun moyen n’est accordé aux pouvoirs politiques pour modifier ces missions. On sait pourtant que les politiques anti-inflation­nistes se paient en chômage, par un effet presque mécanique.
 
JP Fitoussi, Professeur des Universités à l'Institut d'Études Politiques de Paris, Président du Conseil Scientifique de l'IEP de Paris, Président de l'OFCE et Secrétaire général de l'Association Internationale des Sciences Économiques.
Auteur de l'ouvrage "La politique de l’impuissance&qout;
"On a dans une première phase instrumentalisé le chômage pour combattre l’inflation. Chaque "banquier central" de la planète sait que, dès qu’il augmente les taux d’intérêts, il met au chômage une partie des catégories les plus vulnérables de la population. Non seulement il le sait, mais c’est précisément pour ça qu’il le fait. Pourquoi augmente-t-on les taux d’intérêts ? Parce qu’on est persuadé que la demande est trop forte et que les entreprises produisant à pleine capacité ne pourraient la satisfaire qu’en augmentant leurs prix. La douche froide des taux d’intérêts réduit ainsi la demande et incite les entreprises à licencier." page 45
"En augmentant les taux d’intérêts, et surtout en les maintenant à un niveau élevé une fois l’inflation vaincue, on savait qu’on favorisait ceux qui détiennent le capital financier, et que l’on excluait de l’accès aux biens durables (qui exigent un recours à l’emprunt) les catégories les plus vulnérables de la population. (…) Le second mensonge, c’est qu’en augmentant les taux d’intérêt on faisait du service de la dette un des postes les plus importants du budget de l’État." page 46
"Que l’orientation des politiques économiques de l’Union soit, pour l’essentiel, indépendante de tout processus démocratique est à la fois contraire aux traditions politiques des peuples européens, et dangereux pour l’efficacité économique de l’ensemble." page 72
En forçant le trait, on pourrait affirmer que le "gouvernement économique » de l‘Europe se rapproche à s’y méprendre d’un despote éclairé qui, à l’abri des pressions populaires, chercherait le bien commun au travers de l’application d’une doctrine rigoureuse – le libéralisme -, supposée supérieure à toutes les autres en termes d’efficacité économique. La démocratie ne serait donc pas le système politique le mieux à même d’appréhender l’intérêt général ; elle placerait les gouvernements en position de vulnérabilité devant les pressions des populations en faveur de la redistribution. Le pouvoir a ainsi changé de mains. Les politiques ont préféré le confier à des agences indépendantes. (…)
Mais il est vrai aussi que, dès l’origine, la construction européenne fut l’œuvre d’une démocratie des élites, plutôt que de la démocratie tout court. Cependant les élites ont changé (…) aujourd’hui elles ont tendance à assimiler le bien public au marché."

La suite est édifiante… Un petit livre important, à lire ...
 
Pas de politique budgétaire
Le pacte de stabilité enferme les États dans une rigueur budgétaire qui est certes une politique possible, mais qui ne doit pas être la seule ad vitam aeternam. Aucune relance de type Keynésien (grands travaux) n’est plus possible.
Pacte de stabilité: art. III-184 (2 pages) et art. 1 du protocole n°10 sur la procédure concernant les déficits excessifs "Les valeurs de référence visées à l'article III-184, paragraphe 2, de la Constitution sont les suivantes: a) 3 % pour le rapport entre le déficit public prévu ou effectif et le produit intérieur brut aux prix du marché; b) 60 % pour le rapport entre la dette publique et le produit intérieur brut aux prix du marché."
 
Pas de politique industrielle
L’interdiction de toute entrave à la concurrence emporte avec elle l’interdiction d’aider certains acteurs nationaux en difficulté ou fragiles.
 
Interdiction de fausser la concurrence : cette interdiction est partout dans le texte, elle est formelle et contraignante, y compris pour les entreprises publiques :
Art. III-166 : "§1. Les États membres, en ce qui concerne les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs, n'édictent ni ne maintiennent aucune mesure contraire à la Constitution, notamment à l'article I-4, paragraphe 2 [non discrimination], et aux articles III-161 à III-169 [règles de concurrence].
§2. Les entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général ou présentant le caractère d'un monopole fiscal sont soumises aux dispositions de la Constitution, notamment aux règles de concurrence, dans la mesure où l'application de ces dispositions ne fait pas échec à l'accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie. Le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l'intérêt de l'Union. §3. La Commission veille à l'application du présent article et adopte, en tant que de besoin, les règlements ou décisions européens appropriés."

Article III-167 : "§1. Sauf dérogations prévues par la Constitution, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États membres ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions."
 
Sabordage des outils européens
"La politique de l’impuissance": voir le petit livre lumineux de Jean-Paul Fitoussi (économiste de premier plan) qui démontre cette dépossession progressive des responsables politiques par méfiance de la démocratie. Voir extrait plus haut.
Voir aussi le livre enthousiasmant de Jacques Généreux, Professeur à Sciences Po, "Manuel critique du parfait européen" qui proteste, lui aussi, contre le sabordage des outils européens d’intervention économique, et contre le dogmatisme aveugle qui soutient cette folie unique au monde. On lit ce livre sans pouvoir s’arrêter…
 
Le projet de TCE infantilise les citoyens d'Europe: il nous prive tous de l'intérêt de réfléchir à des alternatives. À quoi bon continuer le débat politique, en effet, puisque toute alternative réelle est expressément interdite dans le texte suprême ?
Concrètement, si demain, une majorité européenne voulait changer de direction et repasser à un mode d’organisation non marchand, plus solidaire, elle ne le pourrait pas: il faudrait l’unanimité.

Troisième principe de droit constitutionnel:
une Constitution démocratique est révisable
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Tous les peuples du monde vivant en démocratie peuvent réviser leur pacte de gouvernement.
Le projet de TCE est beaucoup trop difficilement révisable: pour changer une virgule à ce texte, il faut d'abord l'unanimité des gouvernements pour tomber d'accord sur un projet de révision, puis il faut l'unanimité des peuples (parlements ou référendums) pour le ratifier (cela s’appelle la procédure de révision ordinaire).
Avec 25 États, cette procédure de double unanimité est une vraie garantie d'intangibilité pour les partisans de l'immobilisme. Ce texte semble pétrifié dès sa naissance.
Concrètement, si une large majorité d’Européens souhaitent modifier leur loi fondamentale, ils ne le pourront pas. C’est ça qui est choquant, inquiétant
Rappel: l’article 28 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de l’an I de la République française (1793) précisait: "Un peuple a toujours le droit de revoir, de réformer et de changer sa Constitution. Une génération ne peut pas assujettir à es lois les générations futures."
 
Curieusement, cette rigidité excessive avoisine une souplesse étonnante à l’occasion d’une autre procédure qui, elle, ne requiert pas l’accord direct des peuples: la procédure de révision simplifiée [art. IV-444] autorise un des organes de l’Union (le Conseil des ministres) à modifier de sa propre initiative l’un des éléments clefs de la Constitution qui conditionne le degré de souveraineté conservé par les États membres dans tel ou tel domaine (puisque le passage à la majorité fait perdre à tous le droit de blocage). Ça, c’est grave: cette Constitution est à géométrie variable, mais sans l’aval direct des peuples à chaque variation.
 
Par ailleurs, pour l'entrée d'un nouvel État dans l'UE, la règle de l’unanimité est une protection, mais ce n'est pas l'unanimité des peuples consultés par référendum qui est requise : c'est d’abord l’unanimité des 25 représentants des gouvernements (dont beaucoup ne sont pas élus, et dont aucun ne l'est avec le mandat de décider sur ce point important), puis l’unanimité des États selon leur procédure nationale de ratification [Article I-58]. Seuls les pays qui ont une procédure référendaire, et la France en fait partie, verront donc leur peuple directement consulté.
En février 2005, le Parlement français, réunis en Congrès, a changé la Constitution française pour que cette ratification soit forcément soumise au référendum : article 2 de la loi de révision [Art. 88-5].

Quatrième principe de droit constitutionnel:
une Constitution démocratique garantit contre l'arbi­traire
en assurant à la fois la séparation des pouvoirs et le contrôle des pouvoirs
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Abus de pouvoir
L'esprit des lois décrit par Montesquieu est sans doute la meilleure idée de toute l'histoire de l'Humanité: tous les pouvoirs tendent naturellement, mécaniquement, à l'abus de pouvoir. Il est donc essentiel, pour protéger les humains contre la tyrannie, d'abord de séparer les pouvoirs, et ensuite d'organiser le contrôle des pouvoirs: pas de confusion des pouvoirs, et pas de pouvoir sans contre-pouvoirs.
 
Ainsi le peuple dit: "Toi, le Parlement, tu fais les lois, mais tu ne les exécutes pas. Et toi, le Gouvernement, tu exécutes les lois, mais tu ne peux pas les écrire toi-même." Ainsi, aucun pouvoir n’a, à lui seul, les moyens d’imposer sa volonté. Ceci est essentiel.
 
"D’autre part, si l’un des pouvoirs estime que l’autre a un comportement inacceptable, il peut le révoquer: l’assemblée peut renverser le gouvernement, et le gouvernement peut dissoudre l’assemblée. Dans les deux cas, on en appelle alors à l’arbitrage (élection) du peuple qui doit rester la source unique de tous les pouvoirs." Il faut que chaque pouvoir ait à rendre des comptes et se sache contrôlé à tout moment. Ceci est également essentiel.

Cinquième principe de droit constitutionnel:
une Constitution démocratique est forcément
établie par une assemblée indépendante des pouvoirs en place
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Les institutions européennes ont été écrites (depuis cinquante ans) par les hommes politiques au pouvoir qui sont donc évidemment juges et parties: de droite comme de gauche, en fixant eux-mêmes les contraintes qui allaient les gêner tous les jours, ces responsables ont été conduits, c'est humain mais c'est aussi prévisible, à une dangereuse partialité
 
La seule voie crédible pour créer un texte fondamental équilibré et protecteur est une assemblée constituante, indépendante des pouvoirs en place, élue pour élaborer une Constitution, rien que pour ça, révoquée après, et respectant une procédure très publique et très contradictoire (en droit, le mot "contradictoire" signifie que les points de vue opposés doivent pouvoir s’exprimer totalement). C'est aux citoyens d'imposer cette procédure si les responsables politiques tentent de s'en affranchir.
 
En établissant une Constitution par voie de traité, procédure beaucoup moins contraignante qu’une lourde assemblée constituante, (publique, longuement contradictoire et validée directement par le peuple), les parlements et gouvernements, de droite comme de gauche, ont fait comme s’ils étaient propriétaires de la souveraineté populaire, et ce traité, comme les précédents, peut s’analyser comme un abus de pouvoir: nos élus, tout élus qu’ils sont, n’ont pas reçu le mandat d’abdiquer notre souveraineté. C’est au peuple, directement, de contrôler que les conditions de ce transfert, (à mon avis souhaitable pour construire une Europe forte et pacifiée), sont acceptables.
 

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Je crois que, si les êtres humains que nous sommes ne parviennent pas toujours à évoluer comme ils le souhaiteraient _à s'épanouir professionnellement, sentimentalement et sexuellement (ce que j'appelle les trois pôles d'intérêts) c'est parce qu'il y a des barrages qui entravent leur désir d'accéder à un rêve inachevé. Je pars du principe que tout est possible, à condition de s'entourer de gens qui nous poussent à croire en nous.
 
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Journalistes malhonnêtes
De nombreux journalistes, en assimilant les opposants au texte à des opposants à l'Europe, font un amalgame malhonnête : la double égalité "Oui au traité=Oui à l'Europe, Non au traité=Non à l'Europe" est un mensonge insultant, une inversion de la réalité, un slogan trompeur jamais démontré, fait pour séduire ceux qui n'ont pas lu le traité et qui n'ont pas étudié les arguments, pourtant forts, de ceux qui s’opposent à ce traité précisément pour protéger la perspective d’une Europe démocratique.
Les journalistes sont un rempart essentiel, moderne, pour protéger la démocratie. Montesquieu ne pouvait pas prévoir l’importance capitale qu’ils allaient prendre, mais c’est certain: le pouvoir immense des journalistes mériterait lui-même un vrai contre pouvoir (de ce point de vue, on peut sûrement se demander si on ne commet pas une grave erreur en laissant acheter et vendre les médias comme de simples marchandises) et leur responsabilité est ici historique.
C'est, pour l'instant, l'Internet qui est le média le plus démocratique, non censuré, le meilleur outil pour résister. Si ce message vous semble utile, diffusez-le vite dans vos propres réseaux et au-delà de l’Internet, sur papier.