Neurones miroirs
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La petite histoire  Up Page
Origine, raisons, hasard
"La découverte des neurones miroirs est absolument renversante. C'est aussi la découverte la plus importante et elle est pratiquement négligée parce qu'elle est si monumentale que nul ne sait qu'en faire". Robert Sylvester
 
"La découverte des neurones miroirs est la plus importante nouvelle non-transmise de la décennie. Je prédit que les neurones miroirs feront pour la psychologie ce que la DNA a fait pour la biologie. Elles vont fournir un cadre unifiant et aider à expliquer une quantité de dispositions mentales qui jusqu'à maintenant restaient mystérieuses et inaccessibles à l'empirisme".
Le directeur du Center for Brain and Cognition de l'université de Californie

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Vulgarisation, de 7 à 77 ans
Les neurones miroirs sont des neurones qui s'activent, non seulement lorsqu'un individu exécute lui-même une action, mais aussi lorsqu'il regarde un congénère exécuter la même action. On peut dire en quelque sorte que les neurones dans le cerveau de celui/celle qui observe imitent les neurones de la personne observée; de là le qualitatif 'miroir' (mirror neurons).
C'est un groupe de neurologues italiens, sous la direction de Giacomo Rizzolati (ou Rizzolatti), qui a fait cette découverte en 1996 sur des macaques. Les chercheurs ont remarqué _ par hasard _ que des neurones (dans la zone F5 du cortex prémoteur) qui étaient activés quand un singe effectuait un mouvement avec but précis (par exemple: saisir un objet) étaient aussi activés quand le même singe observait simplement ce mouvement chez un autre singe ou chez le chercheur, qui donnait l'exemple.
 
Il existe donc dans le cerveau des primates un lien direct entre action et observation. Cette découverte s'est faite d'abord chez des singes, mais l'existence et l'importance des neurones miroirs pour les humains a été confirmée. Dans une recherche toute récente supervisé par Hugo Théoret (Université de Montréal), Shirley Fecteau a montré que le mécanisme des neurones miroirs est actif dans le cerveau immature des petits enfants et que les réseaux de neurones miroirs continuent de se développer dans les stades ultérieurs de l'enfance. Il faut ajouter ici que les savants s'accordent pour dire que ces réseaux sont non seulement plus développés chez les adultes (comparé aux enfants), mais qu'ils sont considérablement plus évolués chez les hommes en général comparé aux autres primates.
 
L'homme est un animal social qui diffère des autres animaux en ce qu'il est plus apte à l'imitation, Aristote le disait déjà. Aujourd'hui on peut tracer les sources cérébrales de cette spécificité humaine. La découverte des neurones miroirs permet de mettre le doigt sur ce qui connecte les cerveaux des hommes. En outre cette découverte a encore confirmé l'importance neurologique de l'imitation chez l'être humain. Comme le dit très bien Scott Garrels (2004) :
"Des preuves convergentes de la psychologie du développement et de la neuroscience cognitive démontrent que l'imitation basée sur l'activité neurale miroir et le comportement réciproque interpersonnel est ce sur quoi est construit le développement humain".
 
L'imitation est importante pour l'apprentissage, le langage, la transmission culturelle, mais aussi pour l'empathie, par exemple. Qu'on peut mieux saisir l'empathie à l'aide des neurones miroirs est facile à comprendre: très vite l'enfant fait l'expérience de l'autre comme 'quelque chose' qui peut 'faire la même chose' que lui. En imitant et en étant imité les enfants apprennent que de tous les objets qui les entourent seuls les êtres humains peuvent vivre les mêmes expériences qu'eux.
 
De Platon à Giacomo Rizzolati
Le processus dynamique et intersubjectif nommé 'imitation' est vital pour le développement humain et pour la transmission de la culture durant toute notre vie "in ways that we are just beginning to understand" (Hurley & Chater, 2002). Selon les chercheurs nous ne commençons qu'à saisir l'importance de l'imitation et de l'interdépendance des êtres humains (même au niveau cérébral). Jadis cette conscience aiguë n'existait pas. Platon est un des premiers penseurs qui a analysé le phénomène de l'imitation (qu'il nomme mimesis). Toutefois chez lui l'imitation n'est q'une faculté humaine (qui produit des extensions de la vérité idéale dans le monde phénoménal). La mimesis décrite par Platon (par .exemple le peintre imite un objet du monde extérieur) est fort éloignée de cette interdépendance vitale entre congénères que nous montrent les chercheurs d'aujourd'hui.
Les philosophes après Platon ont le plus souvent repris sa vision limitée, tronqué de l'imitation - même s'ils n'étaient pas d'accord avec lui au sujet de l'art. Cette situation a beaucoup contribué au concept moderne du 'moi autonome' (Garrels, 2004). Cette influence de Platon, mais aussi des Lumières, a sans doute contribué au fait que ni Freud, ni même Piaget n'ont soupçonné la possibilité de l'imitation intersubjective chez les nouveau-nés.
 
En 1977 deux chercheurs américains, Andrew Meltzoff et Keith Moore, voulaient tester les stades de développement de l'apprentissage préverbal chez Piaget. Par hasard ils ont découvert que même les nouveau-nés étaient parfaitement capables d'apprendre par imitation. Ils ont donc dû critiquer certaines présuppositions de la théorie de Piaget, car d'après le célèbre psychologue suisse une forme élémentaire de représentation symbolique est nécessaire pour pouvoir imiter. C'est pourquoi l'enfant, chez Piaget, ne commence qu'à imiter autrui vers l'âge d'un an. Meltzoff et Moore ont vérifié ce qu'ils avaient trouvé en 1977 dans les années 1980 (Meltzoff & Moore 1983, 1989) chez des enfants dont la moyenne d'âge était de 32 heures (le plus jeune n'était âgé que de 42 minutes). L'existence et surtout l'importance de l'imitation immédiate chez les nouveau-nés avaient totalement échappé aux chercheurs.

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Présuppositions erronnées
Quatre présuppositions importantes sur l'imitation se sont donc avérées fausses (Garrels 2004):
_Les hommes apprennent progressivement à imiter durant les premières années de l'enfance;
_Une forme élémentaire de représentation symbolique est nécessaire pour pouvoir imiter;
_Les nouveau-nés sont incapables de faire un lien entre ce qu'ils voient chez les autres et ce qu'ils sentent chez eux-mêmes;
_Dès que l'enfant est capable d'imiter cela reste une faculté mineure et enfantine.
 
Ces présuppositions qui _ on le voit aujourd'hui _ ont souvent formé le soubassement d'un discours fondamental (philosophique et scientifique) sur l'humain depuis Platon s'avèrent donc erronées. On a longtemps cru aussi que l'imitation est synonyme de comportement grégaire, moutonnier. L'imitation appartient au Moi Inférieur de Valéry ou à ce que Heidegger appelait dédaigneusement le 'on' Das Man. Actuellement une telle vision semble inexacte. Il n'y a pas encore trois ans un colloque sur l'imitation a été introduit par les mots suivants:
 
"L'imitation … est souvent considérée comme un phénomène mineur, enfantin ou même inepte. Cela est sans doute une grande erreur. Il semble aujourd'hui, à travers les travaux récents en sciences cognitives, que l'imitation est un phénomène exceptionnel, peut-être spécifiquement humain, qui est sans doute fondamental pour tout ce qui est original dans l'apprentissage humain, l'intelligence, la rationalité et la culture".
 
Ce n'était pas avant les années 1970 que le terme 'imitation' est devenue une référence clef dans les bases de données psychologiques. Nadel et Butterworth (1999) ont retrouvé dix études d'avant 1970 qui s'occupaient de l'imitation au-delà des différents stades d'apprentissage. En 1978 ce nombre était déjà élevé à septante-six (soixante-dix, d'usage chez les Suisses et les Canadiens). Aujourd'hui l'imitation est au centre d'une recherche riche et interdisciplinaire dans la psychologie du développement, les neurosciences, les sciences cognitives, la linguistique, l'éthologie, l'évolution culturelle, la biologie évolutionnaire et l'intelligence artificielle.
 
Imitation et intention
Pour Platon et Aristote l'imitation avait trait à certains types de comportements, des manières, des habitudes individuelles ou collectives, des paroles, des idées, des façons de parler, toujours des représentations. Grâce aux recherches actuelles en neuroscience et en psychologie expérimentale nous savons que l'imitation est un phénomène beaucoup plus complexe et 'intime' à l'homme: nous n'imitons pas tant des représentations _ ce qu'on voit faire un autre par exemple _ mais des intentions, des désirs. Récemment Andrew Meltzoff (aujourd'hui responsable du Institute for Learning and Brain Sciences à Washington) a façonné une série d'expériences où l'imitation était employée pour comprendre comment un enfant peut déchiffrer les intentions des adultes à travers leur comportement (Garrels 2004).
 
Dans une première expérience un chercheur montrait à des petits d'environ 18 mois comment il essayait d'enlever le bout d'un 'mini-haltère' pour enfants. Au lieu d'achever l'action il faisait semblant qu'il n'arrivait pas à enlever le bout du jouet. Les enfants ne voyaient donc jamais la représentation exacte du but de l'action. En usant de différents groupes de contrôle les chercheurs ont remarqué que les petits avaient saisi la visée de la démarche (ôter le bout du haltère) et qu'ils imitaient cette intention du chercheur et non ce qu'ils avaient réellement vu. Les enfants imitent donc non pas une représentation, mais un but, un dessein. Comme le résume Meltzoff: "Evidently, young toddlers can understand our goals even if we fail to fulfill them. They choose to imitate what we meant to do, rather than what we mistakenly do" (Meltzoff & Decety, 2003, p. 496). Les enfants comprennent donc les intentions des adultes, même si ces adultes n'arrivent pas à les accomplir. Ils imitent ce que les chercheurs voulaient faire plus que ce qu'ils faisaient concrètement.
 
La seconde expérience était conçue pour voir si les enfants attribuent des motifs à des objets. Pour ce test les chercheurs avaient fabriqué une petite machine (avec bras et grappins) qui exécutait exactement la même action avortée de la première expérience. Très vite il s'est avéré que les bambins qui avaient profité de cette démonstration n'étaient pas mieux disposés pour attribuer une intention à l'appareil que d'autres qui étaient confronté au petit haltère sans démonstration. Il semble donc que les enfants n'attribuent pas d'intentions à des objets inanimés.
 
Une troisième expérience allait rendre plus visible encore combien l'enfant prête attention aux motifs de ses congénères et combien ces motifs, ces intentions sont importants pour lui. Dans ce test les bouts du petit haltère étaient collés solidement à la barre. Ils ne pouvaient donc pas être enlevés. Le chercheur répétait ici la même démonstration que dans les expériences précédentes: il essayait d'ôter la part extérieure du jouet mais sa main glissait du bout sans le saisir. Chez les enfants la même chose exactement se produisait nécessairement (les bouts étant collés), mais les bambins n'étaient pas du tout satisfaits par la pure reproduction de ce qu'ils avaient vu faire l'adulte. Ils répétaient leurs tentatives d'enlever le bout, mordaient dedans et lançaient des regards suppliants à maman et au chercheur.
 
Le travail de Meltzoff renforce donc l'idée selon laquelle les bambins commencent à concentrer leur attention sur les buts des adultes et pas simplement sur leurs actions. Plusieurs savants vont encore plus loin et suggèrent que l'imitation chez l'homme est toujours _ à un niveau fondamental _ l'imitation d'intentions et de buts plutôt que d'actions et de représentations. Cette hypothèse (en réalité une déduction de nombreuses données empiriques qui vont toutes dans ce sens) a été baptisée la 'goal-directed theory of imitation'.
(Trevarthen, Kokkinaki, & Fiamenghi, 1999; Wohlschlager & Bekkering, 2002)

Son interprétation dans l'avenir  Up Page
Neurobiologie et anthropologie
Un dialogue approfondi entre sciences humaines et sciences 'dures' est à souhaiter, la chose est claire. Les sciences humaines ne peuvent pas rester sourd à ce qui est démontré ailleurs. Et l'inverse est peut-être vrai aussi, dans certains cas. Dans ce cadre il faut noter que plusieurs décennies avant le surcroît spectaculaire de l'intérêt scientifique pour l'imitation un critique littéraire (!) et anthropologue franco-américain avait déjà articulé une théorie autour de l'importance exceptionnelle de l'imitation dans l'homme. Son hypothèse était _ curieusement _ que l'imitation n'a pas tant trait aux phénomènes extérieurs mais aux intentions, au désir. Ce théoricien de ce qu'il appelle lui-même le désir mimétique c'est René Girard. La concordance entre ses études et les conclusions scientifiques récentes des chercheurs empiriques sont surprenantes, 'extraordinaires' comme le dit Scott Garrels (un chercheur en psychologie clinique).
 
Le contexte dans lequel Girard a développé ses théories est aussi remarquable :
"Ce qui rend les idées de Girard si remarquables c'est non seulement le fait qu'il ait découvert le rôle primordial de la mimesis psychologique à une époque où l'imitation n'était pas à la mode, mais qu'il a fait cela à travers une recherche dans la littérature, l'anthropologie culturelle, l'histoire…". Garrels, 2004, p. 29
 
Les dangers de l'imitation
René Girard a non seulement fait le lien entre imitation et intention, mais aussi entre imitation et violence. La recherche scientifique qui fait le lien entre imitation et violence est assez populaire aujourd'hui, mais les résultats vraiment intéressants ne sont pas encore là. On s'est souvent posé la question si l'exposition de l'enfant à la violence médiatisé influence son comportement. Est-ce que le (jeune) téléspectateur va imiter les représentations de violence à la télévision? Il n'existe pas de réponses tout à fait claires à cette question (Bushman and Huesman, 2001). On a pu constater _ par exemple _ que des jeux d'ordinateurs violents n'incitent pas nécessairement à la violence. Ces jeux peuvent même avoir des effets 'cathartiques': au lieu de frapper la petite sœur ou le petit frère c'est sur des ennemis virtuels que le joueur se défoule.
René Girard, pour sa part, a vu dans l'imitation non pas (seulement) ce qui communique la violence, mais ce qui la génère: la cause de la violence. Avant d'expliquer comment cela est possible il faut préciser pourquoi la question du lien entre violence et mimesis s'impose aujourd'hui.
 
Mimesis et violence
Pourquoi cela devient pressant actuellement de questionner le lien entre mimesis et violence ? De nombreuses recherches indépendantes il faut conclure que l'imitation dynamique constitue la condition première du développement humain et une des caractéristiques humaines les plus importantes. Les chercheurs sont d'accord aujourd'hui de définir le cerveau humain comme 'une énorme machine à imiter' qui fonctionne à un niveau bien plus élevé que chez les autres primates. De tous les animaux l'homme est le plus 'mimétique'. Une autre chose au sujet de l'humain s'impose aussi avec évidence: de tous les animaux le plus violent c'est sans aucun doute… l'homme.
Il faut se demander si, par hasard, ces deux observations élémentaires ne sont pas à mettre en rapport. Il n'y a pas cent ans cette idée qu'il pourrait exister une corrélation encore mal connue entre la mimesis et l'origine, la genèse de la violence humaine aurait sans doute semblé incongrue. Le grand théoricien de l'imitation de l'époque, Gabriel Tarde, auteur du fameux livre Les Lois de l'imitation (publié en 1890) voyait en l'imitation la cause première de l'harmonie sociale. Sans être totalement fausse on voit aujourd'hui que cette idée est du moins incomplète:
 
L'imitation est d'une importance cruciale pour tout ce qui est typiquement humain dans un sens que nous commençons qu'à découvrir. (Hurley & Chater, 2002)
Selon Tarde l'imitation humaine est la cause de l'harmonie sociale.
 
Des deux propositions précédentes il s'ensuivrait que l'harmonie, la paix seraient typiquement, caractéristiquement humaines. L'homme serait l'animal le moins violent. Qui oserait cependant défendre une telle conclusion? Ou bien l'imitation n'est pas si importante, ce qui va à l'encontre d'une masse de données empiriques récentes, ou bien la vision de Gabriel Tarde est fausse ou du moins incomplète. La seconde conclusion semble la meilleure. Mais qu'avons-nous pu ne pas voir au sujet de l'imitation ?
 
Rivalité mimétique
"Si deux hommes désirent la même chose alors qu'il n'est pas possible qu'ils en jouissent tous les deux, ils deviennent ennemis". Hobbes (Léviathan)
 
Dans une interview récente Rizzolati (le directeur du groupe de chercheurs qui a découvert les neurones miroirs) a dit : "Le processus d'imitation est limité chez les singes, et c'est souvent dangereux pour eux d'imiter" (5 février 2005 dans Le Figaro). D'où vient ce danger de l'imitation? Rappelons que les neurones dans le cortex prémoteur des singes étudiés par Rizzolati étaient activés quand l'animal effectuait un mouvement avec but précis, le plus souvent 'saisir un objet'. Imaginons maintenant un singe qui tente de s'emparer d'un objet et un autre qui l'imite aveuglément, 'inconsciemment'. Ces deux mains également avides qui convergent vers un seul objet ne peuvent manquer de provoquer un … conflit. Voilà que la mimésis peut être la source de conflits, de violence, si l'on voit que les comportements d'acquisition et d'appropriation (le fait de prendre un objet pour soi) sont aussi susceptibles d'être imités. Là chose est claire et pourtant _ chose étrange et remarquable _ ce type de comportement fort important pour les primates et pour les humains n'a pas été incorporé dans la recherche sur l'imitation:
 
Ce n'est pas un hasard, sans doute, si le type de comportement systématiquement exclu par toutes les problématiques de l'imitation, de Platon jusqu'à nos jours, est celui auquel on ne peut pas songer sans découvrir aussitôt l'inexactitude flagrante de la conception qu'on se fait toujours de cette 'faculté', le caractère proprement mythique des effets uniformément grégaires et lénifiants qu'on ne cesse de lui attribuer. Si le mimétique chez l'homme joue bien le rôle fondamental que tout désigne pour lui, il doit forcément exister une imitation acquisitive ou, si l'on préfère, une mimésis d'appropriation dont il importe d'étudier les effets et de peser les conséquences. (Girard 1978)
 
Cette remarque pourtant évidente a d'énormes conséquences pour notre compréhension de l'homme. La mimesis devient - du coup - fort paradoxale: elle peut être source d'empathie, de conformisme, mais aussi de rivalité.
Donnons encore un exemple simple, même banal, d'une rivalité qui naît de la mimésis. Imaginons deux bambins dans une pièce pleine de jouets identiques. Le premier prend un jouet, mais il ne semble pas fort intéressé par l'objet. Le second l'observe et essaie d'arracher le jouet à son petit camarade. Celui-là n'était pas fort captivé par la babiole, mais _ soudain _ parce que l'autre est intéressé cela change et il ne veut plus le lâcher. Des larmes, des frustrations et de la violence s'ensuivent. Dans un laps de temps très court un objet pour lequel aucun des deux n'avait un intérêt particulier est devenu l'enjeu d'une rivalité obstinée. Il faut noter que tout dans ce désir trop partagé pour un objet impartageable est imitation, même l'intensité du désir dépendra de celui d'autrui. C'est ce que Girard appelle la rivalité mimétique, étrange processus de 'feedback positif' qui sécrète en grandes quantités la jalousie, l'envie et la haine.

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BE Allemagne 20 mai 2009 n° 437
 
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Conclusion
Si l'imitation est souvent dangereuse pour les singes il ne doit pas y en aller autrement pour les humains. Souvent les singes ne risquent pas de se bagarrer à mort pour de la nourriture, des partenaires, un territoire, etc. parce qu'il existe chez eux des freins instinctifs à la violence, des rapports de domination (des 'dominance patterns'). Chez les hommes, nous le savons, ces freins instinctuels n'existent plus. La violence intraspécifique, la 'guerre de tous contre tous' pour reprendre le mot de Hobbes, a du jouer un rôle important dans l'hominisation. Comme le disait déjà Jacques Monod:
 
"Dominant désormais son environnement, l'Homme n'avait devant soi d'adversaire sérieux que lui-même. La lutte intraspécifique directe, la lutte à mort, devenait des lors l'un des principaux facteurs de sélection dans l'espèce humaine. Phénomène extrêmement rare dans l'évolution des animaux. […] Dans quel sens cette pression de sélection devait-elle pousser l'évolution humaine ?" (Monod, 1970).
 
Comment cet obstacle formidable qu'oppose la violence intraspécifique à la création de toute société humaine a été soulevé? Voilà une question importante. Il faut espérer que les recherches interdisciplinaires sur l'homme vont scruter le problème. Et on ne peut pas ne pas le rencontrer sur sa route si l'on contemple vraiment la nature extrêmement paradoxale de l'imitation humaine: source d'intelligence, d'empathie, mais aussi de rivalité, de destruction.
 
L'incorrecte théorie mémétique de Dawkins
Il est aussi intéressant de noter - entre parenthèses - que cette hypothèse récente semble aller un peu à l'encontre de la théorie 'mémétique' de Richard Dawkins (1976 The Selfish Gene). Dawkins a forgé une théorie assez fascinante de la culture en tenant compte de l'importance de l'imitation et en extrapolant le schème Darwinien vers le domaine des idées. La tentation est grande, en effet, pour un biologiste de comparer la sélection des idées à l'évolution Darwinienne. Six ans avant le fameux livre de Dawkins le prix Nobel français Jacques Monod écrivait déjà à la fin de son livre Le Hasard et la Nécessité sous le titre 'la sélection des idées':
 
"Il est tentant, pour un biologiste, de comparer l'évolution des idées à celle de la biosphère. Car si le Royaume abstrait transcende la biosphère plus encore que celle-ci l'univers non vivant, les idées ont conservé certaines des propriétés des organismes. Comme eux elles tendent à perpétuer leur structure et à la multiplier, comme eux elles peuvent fusionner, recombiner, ségréger leur contenu, comme eux enfin elles évoluent et dans cette évolution la sélection, sans aucun doute, joue un grand rôle." (p. 181).
 
Mais ajoute Monod: "Je ne me hasarderai pas à proposer une théorie de la sélection des idées." Chez Dawkins l'imitation, la reproduction porte sur les 'idées' sur des unités d'information ('mèmes'), des représentations en somme. Les recherches toutes récentes nous montrent _ au contraire _ que l'imitation humaine porte d'abord sur des intentions. Dans un cadre philosophique on peut dire que Meltzoff et autres dégagent définitivement la mimesis de son ancien contexte d'idéalisme platonicien (et ce platonisme - d'aucuns ont pu le remarquer - semble toujours là chez un Dawkins qui parle d'idéosphère, un peu comme Monod qui parlait du 'Royaume abstrait des idées', ce qui implique toujours la vieille conception platonicienne _ un peu mythique, il faut l'avouer _ selon laquelle les idées ont une existence indépendante des hommes).
 
Des chercheurs de Tubingen découvrent de nouvelles fonctions aux neurones miroirs
Les neurones miroirs ne permettraient pas seulement de mieux comprendre les comportements, mais aussi de choisir les réactions propres adaptées à ces comportements. C'est ce qu'ont conclu des chercheurs de l'Institut Hertie de recherche clinique sur le cerveau de l'Université de Tubingen, en collaboration avec des chercheurs de l'Université de Parme. Ces résultats, qui ont fait l'objet d'une publication dans la revue Science, devraient permettre de mieux comprendre certaines difficultés dans les relations sociales, comme par exemple celles liées à l'autisme.
C'est dans les années 1990 que le Prof. Rizzolatti découvre les neurones miroirs: un type de neurones spécialises, ayant la même activité lors de la réalisation d'une action que lors de l'observation de la même action.