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Sarcophages de la Cathédrale Notre-Dame de Paris (France)

Cathédrale Notre-Dame de Paris, après l'incendie du 15 avril 2019.

Chanoine & Cavalier au long crâne

Sarcophage en plomb sous la Cathédrale Notre-Dame de Paris.

L'incendie qui a failli détruire la Cathédrale Notre-Dame de Paris le 15 avril 2019 a permis à l'Inrap (institut national français de recherche archéologiques préventives) de découvrir, à la croisée du transept de Notre-Dame de Paris, deux mystérieux cercueils en plomb (malheureusement percés) cachés sous le sol.

Sarcophage en plomb sous la Cathédrale Notre-Dame de Paris.

Les anthropologues Camille Colonna & Christophe Besnier, ainsi que le professeur de biologie Eric Crubézy (Université Paul Sabatier, laboratoire de médecin légale, Toulouse) ont exhumé puis analysé ces deux corps, celui d'un jeune noble & celui d'un prêtre.

Sarcophage en plomb sous la Cathédrale Notre-Dame de Paris.

Les inhumations dans les cathédrales se pratiquent pendant toute la période médiévale & moderne, les places les plus recherchées étant près du chœur. L'inhumation en cercueil de plomb est réservée à une élite.

Chanoine ou l'homme d'église

Ce prêtre de renom (le "chanoine jubilé", suivant l'épitaphe ou plaque d'identification en laiton sur son cercueil), Antoine de la Porte, mort le 24 décembre 1710 à l'âge de 83 ans, a contribué financièrement au réaménagement de la clôture du chœur de Notre-Dame. Le "jubé" (pour jubilé) désigne le "chœur" d'origine de l'église, la grande structure qui sépare l'autel de la nef.

Antoine de La Porte à la Cathédrale Notre-Dame de Paris, vers l'an 1700.

Le chanoine présentait une légère malformation au niveau du gros orteil (goutte, ou maladie arthritique due à l'excès de viande, de fruits de mer & d'alcool).

Cavalier au long crâne

Sarcophage en plomb sous la Cathédrale Notre-Dame de Paris, du Cavalier au long crâne.

Ce noble, âgé de 25 à 40 ans au moment de son décès, est surnommé "Le Cavalier" par les chercheurs en raison des nombreuses blessures osseuses, a été enterré bien avant l'homme d'église (au 14e siècle, au plus tard, selon toute vraisemblance).

Le noble souffrait d'une méningite chronique due à la tuberculose.

Sarcophage en plomb sous la Cathédrale Notre-Dame de Paris, du Cavalier au long crâne.

Ce fameux "cavalier" appartenait à la haute noblesse, comme en attestent trois indices: sa "déformation crânienne toulousaine", liée au port, nourrisson, d'une coiffe -une pratique nobiliaire; une activité précoce de cavalier, visible dans la forme de son bassin; enfin, pour préserver sa dépouille, une inhumation dans un cercueil en plomb, doublée d'un embaumement.

Crânes déformés du Pérou

Crânes d&ecute;formés du peuple Paracas au Pérou, au musée d'Ica.

Entre l'an 600 avant Jésus-Christ & l'an 200 de notre ère, le peuple amérindien Paracas originaire du Pérou Pérou, équipait leurs nourrissons d'une atelle crânienne afin que leurs progénitures aient une boîte crânienne plus allongée, soit plus haute vers le haut ou bien davantage incliné vers l'arrière.

Crânes d&ecute;formés du peuple Paracas au Pérou, au musée de Lima.

Cette particularité est visible dans les musées péruviens d'Ica & de Lima.

Dépouille de Joachim Du Bellay ?

Le défunt anonyme pourrait, selon Éric Crubézy, professeur d'anthropologie à l'université Paul Sabatier de Toulouse, n'être autre que le fameux poète Joachim Du Bellay, mort en 1 560 et dont on sait qu'il a été inhumé à Notre-Dame “Les connaissances rassemblées sur sa vie et sa mort semblent correspondre au sujet d'environ 35 ans, atteint d'une tuberculose osseuse et décédé d'une méningite, présent dans le sarcophage.”

Christophe Besnier invite néanmoins à la prudence : “le faisceau d'indices relevés n'a pas valeur de preuve et certaines analyses, notamment sur les isotopes des dents, doivent d'abord être menées à bien.”

Occupation funéraire de la cathédrale

En 14 opérations successives, au fil des avancées du chantier, les archéologues ont fouillé 570m² de la cathédrale, laquelle s'étend sur 5 000 m². Ce sont donc plus de 10% des surfaces au sol qui ont pu être explorés, sans compter les interventions situées à l'extérieur.

Les niveaux d'occupation les plus anciens mis au jour remontent à la fin du Ier avant notre ère jusqu'au Ier après Jésus-Christ. Sous la cathédrale elle-même, les archéologues ont retrouvé un vaste édifice roman, déjà identifié en 1983, et antérieur donc à l'église gothique.

Dans cet édifice qui a eu une vocation funéraire du XIVe au XVIIIe siècle, les fouilles ont livré, sur cinq secteurs distincts, plus d'une centaine de sépultures. Quatre-vingts ont été fouillées et entièrement prélevées.

Les premières analyses montrent des inhumations en cercueils en bois (placés pour un tiers d'entre eux dans des cuves maçonnées en plâtre), toujours en linceuls, avec une orientation de la tête vers l'est ou l'ouest, et des réutilisations successives des fosses.

La population est adulte (un seul est âgé entre 15 et 19 ans), âgée (les pathologies liées à la sénescence, à la vieillesse, sont nombreuses) et masculine (à un exception près).

“Ces résultats correspondent à la population attendue ici, composée des chanoines de la cathédrale”, précise Camille Colonna, archéo-anthropologue qui a supervisé cette partie des recherches.