Ce qui dure |
By René François Sully Prudhomme (1839-1907)
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Le présent se fait vide et triste,
Ô mon amie, autour de nous; Combien peu de passé subsiste ! Et ceux qui restent changent tous. Nous ne voyons plus sans envie Les yeux de vingt ans resplendir, Et combien sont déjà sans vie Des yeux qui nous ont vus grandir ! Que de jeunesse emporte l'heure, Qui n'en rapporte jamais rien ! Pourtant quelque chose demeure: Je t'aime avec mon cœur ancien, Mon vrai cœur, celui qui s'attache Et souffre depuis qu'il est né, Mon cœur d'enfant, le cœur sans tache Que ma mère m'avait donné; Ce cœur où plus rien ne pénètre, D'où plus rien désormais ne sort; Je t'aime avec ce que mon être A de plus fort contre la mort; Et, s'il peut braver la mort même, Si le meilleur de l'homme est tel Que rien n'en périsse, je t'aime Avec ce que j'ai d'immortel. |