Le songe d'Athalie
By Jean Racine (1639-1699)

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Un songe (me devrais-je inquiéter d'un songe ?)
Entretient ! dans mon cœur un chagrin qui le ronge.
Je l'évite partout, partout il me poursuit,
C'était pendant l'horreur d"une profonde nuit.
Ma mère Jezabel devant moi s'est montrée,
Comme au jour de sa mort pompeusement parée.
Ses malheurs n'avaient point abattu sa fierté;
Même elle avait encor cet éclat emprunté
Dont elle eu soin de peindre et d'orner son visage,
Pour réparer des ans l'irréparable outrage.
"Tremble m'a-t'elle dit, fille digne de moi.
Le cruel Dieu des Juifs l'emporte aussi pour toi.
Je te plains de tomber sans ses mains redoutables,
Ma fille." En achevant ces mots épouvantables
Son ombre vers mon lit a paru se baisser;
Et moi, je lui tendais les mains pour l'embrasser.
Mais je n'ai plus trouvé qu'horrible mélange
D'os et de chair meurtris, et traînés dans la fange,
Des lambeaux pleins de sang, et des membres affreux,
Que des chiens dévorants se disputaient entre eux.