Peuple russe Yamnaya en terre ibérique
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Trois minutes pour comprendre / Three minutes of learning
philippelopes@free.fr
Homme russe yamnaya et une femme espagnole
Il y a 4 500 ans, le peuple des Yamnayas, un groupe de bergers nomades en provenance du territoire russe actuel, vient s'installer sur la péninsule ibérique, à Castillejo de Bonete en Espagne.

Une équipe de généticiens étrangers a analysé l'ensemble du génome ancien de 271 individus dont les restes ont été mis au jour dans la péninsule ibérique.

Homme russe yamnaya et une femme espagnole

Les analyses ont confirmé que l'héritage génétique des hommes de la péninsule ibérique a été complètement décimé par le peuple Yamnaya, venu de Russie.

Le remplacement de 40 % de l'ascendance ibérique et de presque 100 % de ses chromosomes Y coïncident avec l'arrivée des Yamnayas dans la région. La disparition complète des lignées masculines locales, et la préservation du patrimoine génétique des femmes attestent que les Espagnols de l'époque ont été certainement massacrées.

Ces mêmes chercheurs confirment que les Yamnayas se sont reproduits prioritairement avec les femmes locales, diminuant de façon draconienne l'apport génétique de leurs anciens partenaires.

Avant d'atteindre l'ouest et le sud de l'Europe, ce peuple qualifié pour certains de "barbare" avait atteint le nord du continent. D'ailleurs, un phénomène génétique semblable a été remarqué en Grande-Bretagne.

Chevauchée européenne
Les "Yamnas" sont un peuple mystérieux. Nomades des steppes pontiques d'Europe de l'Est, autour de la mer Noire, ils nous ont laissé leurs kourganes, célèbres tumuli funéraires ou "tombes à fosse".

Ils auraient émigré à la fin du Néolithique, pour échapper à une épidémie de peste (?), et leur progression vers l'ouest aurait favorisé l'émergence des céramiques dites cordées.

Les "Yamnas" ont apporté une variante des gènes LC24A5 & SLC45A2, codant pour une peau claire, des cheveux & des yeux foncés, et d'autres gènes pour une grande taille.

Chevauchée du peuple Yamnas

Porteurs de l'halogroupe (groupe d'humains ayant génétiquement des caractéristiques physiologiques identiques, voire par extension, un ancêtre commun) R1b, situé sur le chromosome Y, donc transmis par les hommes, ils seraient également à l'origine d'un profond remplacement de populations (cet halogroupe devenant majoritaire à la charnière du Néolithique final & l'âge du Bronze ancien), que certains auteurs ont interprété, un peu vite, comme la conséquence de génocides ou de massacres, consécutifs à une invasion de guerriers qui se seraient appropriés les veuves & leurs filles.

Les "Yamnas" seraient les premières populations nomades à utiliser le cheval comme monture. Au départ, en effet (entre 3500 & 3000 ans avant notre ère), c'est le lait de jument qui était recherché, comme en témoigne la composition des calculs rénaux retrouvés chez les individus "Yamnas" de Krivyanskiy 9 (Russie Russie).

En France France, deux fémurs du Néolithique final ou du Bronze ancien retrouvés dans la grotte de Las Claousos III (Auriac, Aude) présentent des exostoses (prolifération osseuses dégénératives), aussi appelés "ostéome du cavalier", lésions entraînées par la pratique régulière de l'équitation sans selle.

Tombe 3 du tumulus Strejnicu en Roumanie.

Une nouvelle étude s'est donc intéressée à cinq défunts "Yamnas" bien conservés, provenant de divers sites d'Europe de l'Est _Strejnicu (Roumanie Roumanie), Malormirovo & Vetrino (Bulgarie Bulgarie), Dévaványa & Balmazújváros (Hongrie Hongrie)_, comparés à 217 individus issus de 39 sites de la même région.

Ces cinq personnes présentaient aussi un ostéome ainsi que des déformations osseuses concentrées dans les articulations des jambes, du bassin & sur la colonne vertébrale (lordose), voire des traces de fractures (à la suite d'une chute ?), semblable aux pathologies identifiées chez les cavaliers modernes pratiquant une monte régulière.

Ces personnes (dont l'âge estimé varie entre 25 & 75 ans) passaient donc littéralement leur vie sur un cheval.

Carte de répartition globale des Yamnas.

Carte de la répartition globale des Yamnas & de la culture des Afanasievo à l'origine des précédents. Les sites avec des individus portant des marqueurs squelettiques pour l'équitation sont marqués (cercles noirs pour les Yamnas; cercles rouges pour les tombes d'autres périodes).

Les Yamnaya, peuple barbare
Le chercheur David Reich (Harvard Medical School, Boston United States confirme que l'arrivée d'un peuple venu des steppes orientales a entraîné la disparition complète des lignées masculines locales dans la péninsule ibérique vers 2 500 ans av. J.-C., alors que le patrimoine génétique des femmes a lui été préservé.

C'est ce que révèle l'analyse du génome de 271 individus ayant vécu dans la péninsule ibérique entre 7 000 ans av. J.-C. et 1 500 ap. J.-C.

Diversité génétique dans la péninsule ibérique, chasseurs-cueilleurs en rouge, les Yamnaya en bleu.

Les Yamnaya, peuple d'éleveurs venu des steppes russes Russie et essentiellement pastoraux, vivaient de l'élevage plutôt que de l'agriculture.

Dans une précédente recherche réalisée en février 2019, David Reich révélait que l'arrivée des Yamnaya en Grande-Bretagne Royaume-Uni, entre 2 500 et 1 800 ans av. J.-C., avait rapidement pris l'ascendant, 90% de l'ADN des populations existantes ayant disparu en l'espace de quelques centaines d'années.

Guerrier du peuple Yamnaya, lors de la migration en péninsule ibérique, il y a 4 500 ans.

Contrairement aux Britanniques Royaume-Uni, les Espagnols Espagne ont mieux résisté à l'invasion, coexistant beaucoup plus longtemps avec les Yamnaya. Vers 2 000 ans av. J.-C., la diversité génétique de la population se stabilise autour d'un mélange d'environ 40% d'ascendance d'Ibérique Espagne et 60% de Yamnaya Russie.

Entre 2 400 et 2 000 ans av. J.-C., une ascendance entièrement nord-africaine démontre des échanges entre les deux rives de la Méditerranée.
Société pastorale
Des chercheurs ont émis l'hypothèse que la perte de diversité du chromosome Y, survenue il y a 3 000 à 5 000 ans, peut avoir plusieurs raisons, sans mettre la faute au peuple Yamnas, ces nomades des steppes pontiques d'Europe de l'Est, autour de la mer Noire.

Selon toute vraisemblance, le passage d'une économie de chasse-cueillette à une société fondée sur l'agro-pastoralisme au Néolithique aurait également transformé les systèmes de parenté.

Les règles de parenté, source des modifications du chomosome Y.

Contrairement aux chasseurs-cueilleurs, apparentés soit à la lignée de leur mère (matrilinéaire), soit à celle de leur père (patrilinéaire), les agro-pasteurs néolithiques auraient adopté un système patrilinéaire certes _le terrain et le troupeau restent dans la famille du patriache !_, mais segmentaire, c'est-à-dire plus souple, dans lequel les fils demeurent majoritairement dans le groupe paternel, mais où les cadets et les cousins vont chercher femme ailleurs, lorsque la place vient à manquer, tout en restant apparentés.

Les auteurs de l'étude ont élaboré deux modèles théoriques (guerrier et familial), basés sur 1 000 génomes collectés dans de nombreuses populations patrilinéaires segmentaires, appuyés sur des observations de populations réelles. Conclusion : pas besoin d'imaginer des remplacements brutaux de population, une simple modification des règles de parenté, basée sur les ascendances paternelles, a pu suffire.
Origines d'un peuple fantôme
Des analyses génétiques précisent leur zone géographique d'origine, autour de la mer Noire, mais complexifient encore les étapes de leur formation.

Autour de 3000 ans avant notre ère, un groupe de nomades des steppes pontiques d'Europe de l'Est, autour de la mer Noire, aurait décidé d'émigrer vers l'ouest et vers l'est.

Les archéologues repèrent leur progression grâce à leurs tombes (kourghanes) d'où le nom de culture Yamna (de yama, la fosse, en russe). En Europe, ils auraient favorisé l'émergence de la culture des céramiques cordées puis du Campaniforme.

Migration du peuple Yamna en Europe.

De récentes études paléogénétiques, basées sur l'analyse de l'ADN ancien de 435 individus ayant vécu il y a 4 000 à 8 400 ans, ont mis en évidence trois variantes (ou clines) de populations. La première (cline CLV) impliquerait des groupes de chasseurs-cueilleurs du sud du Caucase et de la basse Volga, qui se seraient ensuite mélangés aux populations de la Volga (cline de la Volga). Les peuples CLV, se déplaçant vers l'Ouest, se seraient ensuite mêlés à des peuples néolithiques ukrainiens le long des fleuves Dniepr et Don (cline du Dniepr), formant la culture des groupes de Serednii Stih (ou Sredeny Stog), ancêtres directs des Yamnayas, apparus vers 4000 ans avant notre ère. Les peuples CLV ont donc contribué à environ quatre cinquième de l'ascendance des Yamnayas (ainsi qu'à la formation des Hittites par leur introduction en Anatolie par l'est). Des chasseurs-cueilleurs de la région du moyen Don ont également participé à leur ascendance. Les groupes Yamnayas se sont ensuite mixés à des individus associés à la culture de l'Amphore globulaire avant de s'étendre en Europe. On est donc bien loin de l'immigration d'un peuple conquérant, poussé par la peste ou la sécheresse. Des fusions de populations et d'innovations technologiques ont probablement entraîné des modifications progressives, dont les principaux intéressés eux-mêmes n'ont probablement pas eu conscience. Jusqu'à former la première véritable unification (génétique et linguistique) du continent européen.
REFERENCES
Archéologia mai 2023 n°620
Archéologia juillet-août 2024 n°633
Archéologia avril 2025 n°641
Futura Sciences 19 mars 2019 Céline Deluzarche
Radio-Canada 23 mars 2019 Canada