Homo naledi
Une nouvelle espèce humaine ?

Une nouvelle espèce d'hominine a été découverte, située dans une grotte d'Afrique du Sud


Mi-homme mi-australopithèque
Lee Berger, paléoanthropologue à l'université de Witwatersrand (Johannesburg, Afrique du Sud

Reconstitués par les scientifiques, les squelettes donnent à voir une morphologie inédite : un crâne d'à peine 560 cm3, soit trois fois moins que celui de l'homme actuel, des phalanges courbées qui permettent de grimper aux arbres, mais des pieds et des mains étonnamment semblables aux nôtres. Le bientôt dénommé "Homo naledi" semble cumuler des caractéristiques à la fois du genre australopithèque et de l'homme moderne.
Un étonnant mélange : ce squelette composite révèle la constitution générale d'Homo naledi. Ses épaules, ses hanches et son torse évoquent des hominidés antérieurs. La partie inférieure du corps comporte davantage d'adaptations humanoïdes. Le crâne et les dents montrent un mélange des deux.

Selon les dernières analyses effectuées en mai 2018, parmi les fragments de crâne provenant d'au moins cinq individus adultes, l'un d'eux portait une empreinte très nette des replis sinueux du cortex observés à la surface du lobe frontal gauche du cerveau.
L'anatomie du lobe frontal de l'homo naledi était similaire à celle de l'humain, et très différente de celle des grands singes. Par exemple, le cerveau humain est généralement asymétrique, le cerveau gauche étant déplacé vers l'avant par rapport au cerveau droit. Une caractéristique que les chercheurs ont également remarquée dans l'un des fragments des plus complets d'Homo naledi.
En outre, ils ont également trouvé des indices indiquant que la zone visuelle du cerveau, à l'arrière du cortex, était relativement plus petite chez Homo naledi que chez les chimpanzés, un autre trait associé aux humains.

Homo naledi avait des mains robustes bien adaptées à la fabrication d'outils, de longues jambes, des pieds comme ceux des humains, et des dents suggérant un régime alimentaire de haute qualité.
De plus, ses pieds possédaient de gros orteils rigides, contrairement aux grands singes, dont les gros orteils sont décalés pour leur permettre de mieux grimper aux arbres.
Entre australopithèque et Homo erectus

L'emplacement de la grotte et la disposition des ossements laissent penser qu'ils ont été déposés dans la grotte à dessein, probablement pour les inhumer. Un procédé très avancé et largement inconnu chez les autres hominidés primitifs.
Les recherches n'ont pas permis pour le moment d'établir une datation précise des ossements. Mais certains avancent l'hypothèse qu'Homo naledi soit le chaînon manquant entre l'australopithèque et Homo erectus, notre aïeul supposé qui était doté d'un cerveau et d'une constitution physique proche de la nôtre. Un million d'années sépare ces deux dernières espèces. Un laps de temps qui demeure encore mystérieux aux yeux des scientifiques.
Comment un animal bipède a-t-il évolué vers le genre Homo, une créature non seulement adaptée à son environnement mais capable de le maîtriser en utilisant son esprit ? La découverte d'Homo naledi pourrait apporter des réponses essentielles dans la quête de nos origines.
Petite annonce via Facebook
Lorsque Rick Hunter et Steven Tucker s'aventurèrent dans la gotte Rising Star, ce 13 septembre 2013, et qu'ils envoyèrent leurs clichés à Lee Berger, un célèbre paléoanthropologue sud-africain, ce dernier fit appel à Facebook pour recruter des individus minces et sportifs avec des compétences en archéologie et en spéléologie, et capables de travailler dans un environnement confiné en Afrique du Sud. Six jeunes filles auront ce privilège.
Cette grotte de Rising nécessita, pour être exploré dans son intégralité:
_ d'accéder à une cheminée, tête la première;
_ de franchir le "boyau de Superman", de 25cm de diamètre;
_ d'escalader le "dos du dragon", paroi de 15m de haut;
_ de remonter les fossiles de 400 restes humains, situés dans la "chambre de Dinaledi".
Une superbe épopée
Ce site ne permet pas de clarifier, de manière catégorique, une datation précise. Tout au plus peut-on affirmer que ces homo naledi (400 individus) dateraient entre 2,8 millions d'années et 100 000 ans.Il y a une forte proportion de bébés et de jeunes enfants parmi les fossiles. Un crâne arrondi le rapproche du genre Homo (un crâne plat pour celui des australopithèques). Mâchoire en forme de "U" (une forme en "V" chez les australopithèques). Taille de 1,50m pour un crâne de 500m3 (1,20m pour 500m3 chez l'australopithèque). Des doigts allongés (pour grimper aux arbres comme chez l'australopithèque). poignet extrêmement rigide (apte à saisir un outil, comme chez le genre homo). De longues jambes (propices pour marcher, voire courir comme chez le genre Homo).
L'hypothèse d'une chambre funéraire, semblable être la suggestion la plus probable, pour expliquer cet amoncellement de restes humains:
_l'absence de morsure sur les os, élimine l'hypothèse d'un prédateur (même s'il subsiste quelques rares restes d'oiseaux et de petits rongeurs);
_pas de preuve d'un lieu de vie (pas d'outil, aucune trace de repas ou d'occupation humaine dans la grotte).
_ la chute accidentelle au fond d'un précipice n'est pas retenue (il n'existe pas, au-dessus de cette grotte, une autre grotte d'un accès plus facile, pas plus que la présence de fractures sur les os exhumés).
Constituée de galeries peu praticables et étroits, la volonté du genre Homo naledi de préserver les dépouilles de leurs morts des charognards, amène Lee Berger à penser que l'Homo naledi vouait un culte aux morts (même si la plus ancienne sépulture connue date de 100 000 ans).
La domestication du feu, afin de se rendre dans les galeries (même si la plus ancienne traces de foyers avérées datent de 600 000 ans) est la seconde hypothèse de Lee Berger, paléanthropologue sud-africain.
Des chercheurs viennent de dater en juillet 2017 ces fossiles entre 335 000 et 236 000 ans. Mais Naledi, relique du genre Homo, aurait pu survivre plus d'un million d'années, et être contemporain de Neandertal, de Denisova, des ancêtres de Florès et des précurseurs d'Homo sapiens.
L'enfant Leti

Le paléoanthropologue Lee Berger (Université de Witwatersrand, Johannesburg, Afrique du Sud

L'individu serait de sexe féminin (sans aucune certitude) est aurait probablement entre 200 000 et 300 000 ans. L'enfant a été surnommé "Leti", d'après un mot setswana qui signifie le "perdu".
"Les restes ont été retrouvés dans une alcôve quasi inaccessible, au bout de passages mesurant parfois seulement 10 cm de large. Mais pour l'Homo naledi, se déplacer dans la grotte était sans doute plus facile.", Tebogo Makhubela, un des scientifiques ayant participé à la découverte.

L'enfant était probablement âgé de quatre à six ans lorsqu'il est mort. Ses dents de lait étaient encore intactes, les dents adultes commençant seulement à apparaître.
Les scientifiques pensent que les ossements de l'enfant Leti ont pu être volontairement laissés là par ses congénères, peut-être au cours d'un rite funéraire.
L'homme des montagnes

Bipède mais de petite taille (1,44 mètres environ, pour un poids moyen de 44,2 kilogrammes), l'homo naledi avait une capacité crânienne semblable à celle d'un Australopithèque.
L'étude de la ceinture scapulaire (les os de l'épaule qui relient le bras au tronc, c'est-à-dire l'omoplate et la clavicule) nous apporte des éléments de réponse. Homo naledi se servait de ses bras comme les grands singes. Il les utilisait comme moyen de locomotion pour le grimper ou la brachiation (déplacement, balancement de branche en branche).
Autour de 300 000 ans, dans la région de Rising Star, le climat était sensiblement le même qu'aujourd'hui, avec une végétation peu dense. Sur quoi Homo naledi pouvait-il grimper ? Sur les parois rocheuses où afin d'échapper aux prédateurs, il pouvait s'élever rapidement à 4 ou 5 mètres ?
Un tel relief se rencontre d'ailleurs à une vingtaine de kilomètres au nord des grottes, dans le massif de Magaliesberg.
L'enfant des ténèbres

D'autres squelettes ont été déposés dans les galeries voisines, sans qu'aucune chute dans un puits naturel puisse l'expliquer.
La disposition des squelettes contredit le fait qu'ils aient été entraînés par la gravité, ou que leurs ossements aient pu ruisseler, entraînés par de l'eau, une fois les chairs décomposées, ou encore qu'ils aient constitué les restes du repas d'un prédateur.
Les scientifiques confirment que les ossements du crâne de l'enfant de 5 à 6 ans, surnommé "Leti" (mot setswana qui signifie le "perdu"), retrouvés dans une fissure très difficile d'accès à 12 mètres de la salle, ont bien été déposés là volontairement.
Après la découverte d'une tombe similaire à la Sima de los Huevos, en Espagne



Homo naledi & le feu
L'anthropologue Lee Berger a décidé de pénétrer lui-même dans le dédale de galeries. Avec sa taille de 1,88 et son gabarit il a fallu qu'il perde 25 kilos pour se faufiler dans le réseau. Lorsque Berger est entré dans la chambre Dinaledi, il s'est rendu compte qu'il y avait des zones noircies et des particules de suie sur le plafond de la cavité."Tout le toit de la chambre est brûlé et noirci" constate l'anthropologue Lee Berger.
Au même moment, dans une autre partie du réseau de grottes de Rising Star, le chercheur Keneiloe Molopyane, lui aussi de l'Université du Witwatersrand, a découvert un minuscule foyer avec des os d'antilope brûlés, et un grand foyer à 15 cm sous le sol de la grotte. Puis, dans une autre zone appelée la chambre Lesedi, Berger a trouvé un empilement de roches brûlées, avec à la base des cendres et des os brûlés.

Sépulture humaine
Mark Thiessen & Robert Clark (National Geographic) ainsi que d'autres scientifiques, affirment que plusieurs restes d'Homo naledi datant d'environ 300 000 ans, présentent des signes d'enterrement voulu dans une chambre délibérément marquée de symboles, suggérant de ce fait des pratiques funéraires complexes.
Les dépressions dans les chambres profondes de la grotte Rising Star, qui avaient emmener à la découverte en 2013 de plusieurs corps adultes & de jeunes enfants Homo naledi, semblent également confirmer que ces corps ont intentionnellement été enterrés après leur mort.

Les corps ont été retrouvés en position fœtale, l'un d'entre eux tenant un outil en pierre. Les dépressions présentaient des lignes "coupées" sur leur pourtour, ce qui suggère que le trou a été creusé artificiellement puis comblé, plutôt que de constituer une dépression naturelle.

L'anthropologue Lucas Sola arrive à la conclusion surprenante, que d'anciens cousins des humains, Homo naledi, dotés de petits cerveaux, auraient bel et bien enterré leurs morts.
Selon le professeur Chis Stringer (spécialiste de l'évolution humaine, Musée d'histoire naturelle, Londres, Royaume-Uni


Les scuptures semblaient véhiculer du sens. Il s'agissait notamment de formes géométriques telles que des triangles, des carrés & des hachures. Elles auraient pu faire partie de rituels funéraires.
L'anthropologue Paul Pettitt (Université de Durham, Royaume-Uni

Les rites funéraires d'Homo naledi
Les quelques 1550 os mis au jour en 2015 par Lee R. Berger & son équipe, dans une salle d'accès difficile, Dinaledi Chamber, à 30 mètres de profondeur, appartenaient à au moins quinze individus.Leur datation récente (entre 335 000 & 236 000 ans) suggèrent qu'ils vivaient à la même époque que nos premiers ancêtres.
Ce comportement funéraire serait très ancien, les premières sépultures connues (au Proche-Orient), attribuées à Homo sapiens, datant au mieux de 100 000 ans.

Lee R. Berger réaffirme que d'autres individus ont été déposés dans les galeries voisines, sans qu'aucune chute dans un puits naturel puisse l'expliquer; dans une fissure, en particulier, comme ce fut le cas de l'enfant de 5 à 6 ans, surnommé "Leti" ("celui qui est perdu") en sesotho.
La découverte, toujours dans la Dinaledi Chamber, d'autres fossiles enterrés en position fœtale dans des fosses spécialement creusés à cette effet, cela s'appelle ni plus ni moins que de véritables sépultures.
Encore ancienne, serait la datation d'un motif gravé en forme de zigzag par Homo erectus à Trinil en Indonésie

Première sépulture humaine
Dans cette illustration de Jon Foster, un groupe d'Homo naledi transporte un mort dans la grotte de Rising Star. L'hypothèse de l'inhumation volontaire réalisée par l'homo naledi, a été formulée dès 2015 par le paléoanthropologue Lee Berger (Université d'Etat de New York, Stony Brook,
Ces ossements ont été découvert dans un seul sous-réseau difficile d'accès et la datation les situe entre 335 000 & 241 000 ans avant le présent.
Les scientifiques ont identifié, en fin de compte, plus de 18 individus, allant du nouveau-né au sénior, parmi les 1800 fragments osseux.
Cette piste de sépulture semblait offrir l'explication la plus plausible à la façon dont plus de 1800 fragments osseux ont bien pu se retrouver dans une grotte souterraine, uniquement accessible après une descente verticale de quatre étages, à travers une cheminée de 19cm de large, surnommée "The Chute" (le "toboggan") par les spéléologues.
De plus, la position et l'état intact de certains fragments de squelettes suggèrent que les dépouilles auraient été déposés avec soin sur le sol de la chambre, et non jetées du haut de "The Chute", dans quel cas elles auraient formé un amoncellement de restes humains à sa base.
C'est en 2017, lors d'une seconde phase de fouilles, que les scientifiques révèlent l'existence de plusieurs individus dans des cavités peu profondes qui traversent les strates du sol de la grotte et ne suivent pas sa pente naturelle, ce qui suggère que les cavités auraient été creusées. De plus, la composition du remblai des cavités diffère des sédiments présents à proximité.
Parmi les trois individus, un juvénile proche de l'âge adulte découvert dans un état de conservation remarquable (30 dents dans l'ordre correct, deux séries de côts partielles, le pied droit, la cheville & d'autres os provenant des membres inférieurs).
Inhumation volontaire
"Le débat sur l'inhumation volontaire des défunts s'articule autour des différences entre le comportement mortuaire (chimpanzés ou éléphants au chevet du défunt, et veillant sur la dépouille) et le comportement funéraire (actes sociaux, objets accompagnant le défunt)" indique André Gonçalves, qui étudie la façon dont les animaux interagissent avec leurs morts.L'anthropologue John Hawks (membre de l'équipe Rising Star), la paléoanthropologue María Martinón-Torres & l'anthropologue Chris Stringer s'accordent finalement sur la possibilité qu'il s'agit bien d'un lieu de sépulture.
Un mur d'expression
La présence d'un ensemble de formes & de motifs abstraits gravés dans la grotte, à proximité des potentielles sépultures, sur une paroi en calcaire dolomitique, notamment les motifs en croisillons, fait dire à l'archéologue Curtis Marean que ceux-ci sont "très semblables" à ceux découverts sur des sites ultérieurs associés à Homo sapiens dans la région, ainsi qu'à l'imagerie khoïsane.Les formes géométriques (carrés, échelles, triangles, croix) et les traces imperceptibles de précédentes gravures effacées puis recouvertes, suggère l'intention d'homo naledi de dessiner volontairement des symboles ou des messages d'ordre rituel.
Le paléoanthropologue Lee Berger s'attaque également à un autre postulat de longue date : l'hypothèse erronée d'évaluer le niveau de créativité du genre homo, par rapport à la taille de son cerveau.
Certaines espèces homo (homo naledi, homo floresiensis) et même certains primates (chimpanzé, gorille, macaque, babouin) nous démontrent que des comportements complexes, comme la fabrication d'outils, la maîtrise du feu & la création de symbole, se retrouvent bien et bien chez des hominidés au petit cerveau.
La taille du cerveau ne devrait plus être considérée comme un facteur déterminant de la capacité d'une espèce à jouir d'une cognition complexe.