Dynamique de l'attraction gravitationnelle selon Mordehai Milgrom
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Trois minutes pour comprendre / Three minutes of learning
philippelopes@free.fr
PARAGRAPHE
Lorsqu'en 1978, l'astronome néerlandais Albert Bosma (aujourd'hui, en 2018, au laboratoire d'astrophysique de Marseille) observe que la vitesse de rotation du gaz interstellaire atteint une limite asymptotique, à mesure qu'on s'éloigne du centre d'une galaxie, cette observation contre-dit la dynamique de Newton, selon laquelle la vitesse de rotation doit atteindre un pic, puis diminuer quand on s'éloigne du centre galactique, où l'essentiel de la matière est concentré.

"Comme ce qu'on observe est un phénomène qui dépend à la fois d'une masse et de l'attraction gravitationnelle", explique Albert Bosma, "cette différence avec la dynamique newtonienne peut s'expliquer de deux manières: soit parce que la gravitation est mal décrite, soit parce qu'on a omis une grande quantité de matière."

Dans les années 1980, le théoricien israélien Mordehai Milgrom, de l'Institut Weizmann, près de Tel-Aviv, propose de redéfinir ce qu'est l'attraction gravitationnelle, ou plus exactement la dynamique de cette attraction, c'est-à-dire la manière dont elle est reliée à l'accélération des corps. Une théorie baptisée Mond (de l'acronyme anglais Modified Newtonian Dynamics) tente de décrire les galaxies sans recours à l'hypothèse de la matière noire.

Selon une autre approche, les corrélations entre la vitesse asymptotique des gaz et la luminosité des galaxies, ont conduit à la relation de Tully-Fisher. Ces observations, amorcées par les astronomes Brent Tully et Richard Fisher, montrent une corrélation entre la masse visible d'une galaxie et la vitesse asymptotique. Ce fait est troublant: connaître la masse visible donne une excellente idée de la vitesse asymptotique et vice versa.

Partant de l'hypothèse que la relation de Tully-Fisher est la conséquence d'un mécanisme plus fondamental lié à la masse des galaxies, Mordehai Milgrom s'aperçoit qu'à l'échelle galactique (en périphérie des galaxies, là où l'attraction gravitionnelle est faible), deux mécanismes apparaissent: d'un côté ce qui se produit à grande échelle (échelle galactique), et de l'autre ce qui se passe à moindre échelle (système planétaire ou au centre d'une galaxie).

"On peut faire le parallèle avec la physique quantique, dont les effets sont visibles ou pas suivant que les objets considérés sont plus grands ou plus petits qu'une taille limite", indique Mordehai Milgrom. Selon ce dernier, cette différence apparaît quand l'accélération est inférieure à une certaine constante a0.

Fait intriguant, la valeur de la constante a0 est très proche de la racine carrée de la constante cosmologique, le terme de l'équation de la relativité générale qui est à l'origine de l'énergie noire et de l'accélération de l'expansion de l'Univers.

L'astronome américain Stacy McGaugh, de l'Université du Maryland, constate que les données de ces travaux (étude des galaxies "légères" de même masse mais de rayons différents) sont confirmés par les prédictions de Mordehai Milgrom.

"Considérer l'hypothèse de la matière noire comme acquise, c'est accepter de faire de la physique sans cadre ni contraintes; reconnaître aussi qu'on peut changer les paramètres à notre guise, pour les adapter às nos besoins. Cela ne correspond pas à l'idée philosophique que je me fais d'une théorie scientifique. Pour être validée, celle-ci doit subir toute une série de tests critiques, faire des prédictions qui sont vérifiées. Or, l'hypothèse de la matière noire n'a jamais prédit quoi que se soit !"

Le gros point faible du paradigme proposé par Mordehai Milgrom est son incapacité à expliquer les observations du fond diffus cosmologique, dont on possède depuis 2009 une carte très détaillée grâce au satellite Planck. Une image qui montre l'Univers tel qu'il était 380 000 ans après le Big Bang. On y décèle un rayonnement uniforme parsemé de multiples fluctuations, des granulations qui sont la source des structures (galaxies, amas de galaxies, ...) qui se sont formées par la suite.

Le fond diffus cosmologique correspond bien à un modèle associant d'un côté de la matière visible (baryons et photons), et de l'autre de la matière non ordinaire ou exotique (matière noire).

Une explication qui ne convainc pas Stacy McGaugh: "Le modèle de la matière noire fonctionne bien à l'échelle cosmologique, parce qu'on a adapté la quantité de matière noire pour que cela se passe ainsi. Mais on ne pourra pas prendre ce résultat pour une évidence tant qu'on n'aura pas pesé la même quantité de matière noire avec une autre méthode."
REFERENCES
La Recherche octobre 2018 n°540

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